mercredi 29 octobre 2008

"Rencontre avec Toi" par Trendance

Ce jour-là, au pied de l’arc-en-ciel de ton Absence,
Ta silhouette, ta voix, ton nom, ta présence…
Tout portait l’éclat aveuglant du rayon d’évidence,
Un cri déchirant le silence immense,
Une vérité chassant la morne ignorance,
Un soleil me guidant hors de mes anciennes errances
Un onguent effaçant mes plus intimes cicatrices...
Et mon être tout entier soudain devinait les délices du calice,
Les douceurs innombrables de la corne d’abondance.
Ce jour-là, Frédérique, tu n’étais pas encore entrée dans mon existence
Que déjà je ne voulais plus jamais t’en voir sortir.

Trendance

lundi 20 octobre 2008

"La "contre-addiction" américaine" par Trendance

Si les Etats-Unis n'ont pas le monopole de la contradiction, ils en ont fait depuis bien longtemps un de leurs traits essentiels. Cette tendance est si récurrente que l'on pourrait se risquer à parler d'addiction à l'incohérence. Après le déficit budgétaire abyssal de la première puissance mondiale (mais l'est-elle encore à ce jour) et le rôle d'agent de sécurité planétaire d'une nation rongée par la violence armée et le traffic de drogues, la nouvelle contradiction réside dans l'association de cinq lettres: Obama.
Dernier sursaut pragmatique d'un pays résolument idéologique, désir d'une revanche prise sur l'histoire raciale exprimée par l'une des deux Amériques ou contre-pied d'une nation éprise d'avant-garde, je ne saurais le dire. Ce qui est certain c'est que les Etats-Unis, qui ont aboli la traite et l'esclavage des noirs bien après l'Angleterre et la France, continuent de surprendre en étant l'un des premiers pays occidentaux à soutenir la candidature d'un citoyen issu de l'immigration. Contradiction, quand tu nous tiens!..

A la fois instrument ultime d'égalité et condition sine quan non à la renaissance, la mort - ici de l'Amérique telle que l'on a pu la connaître et de la race - a bien souvent été annoncée depuis l'investiture démocrate de Barack Obama et beaucoup y ont vu l'entrée des Etats-Unis dans l'Ere du Verseau racial et social. Mais qu'en est-il réellement? Cet événement, ayant à la fois valeur de rupture et de contradiction, redéfinit-il fondamentalement l'Amérique? Constitue t-il un "événement" dans le sens foucaldien, c'est-à-dire un fait historique singulier et contingent?

La mort est omniprésente dans notre quotidien, comme dans les champs de connaissance. Ainsi, à la fin du dix-neuvième siècle, Nietzsche invoquait déjà la mort de Dieu. A la même époque, Karl Marx annonçait la mort prochaine du capitalisme. Le siècle suivant, Michel Foucault proclamait la mort de l'Homme et les années soixante-dix célébraient la mort de l'Histoire. Les années quatre-vingt dix firent le deuil du Communisme. Au moment où l'on semble vouloir enterrer le libéralisme et ses effets pervers, l'Amérique entérine une nouvelle rupture avec Barack Obama, même si c'est l'Europe qui la voit plonger dans l'Age post-raciale.


Même s'il s'agit d'une indéniable avancée, nous sommes bien loin de la mort de l'Amérique racialisée. Aussi l'avènement de Barack Obama en tant que prétendant noir au fauteil de la Maison-Blanche doit-il être remis en perspective. Répondre à la question de l'essence noire devient donc une priorité.


Les Etats-Unis sont l'agrégation de nombreuses réalités sociales. Parmi elles, le Sud stipulait dans son arsenal législatif qu'un individu était considéré comme noir s'il possédait 1/32è de sang noir. Mais ceci va plus loin: de par la nature de l'histoire américaine, la négritude fonde une filiation à part entière qui plonge ses racines dans l'esclavage. Ainsi, la société américaine continue d'en porter en son sein les stigmates. Il n'est donc pas étonnant de relever qu'aujourd'hui encore les concepts et réalités de race et de rang social sont intimement liés dans un pays où le lumpenprolétariat et autres laissés pour compte sont à grande majorité noirs.

C'est dans cette perspective qu'Obama affiche une particularité contradictoire qui entame son statut de candidat noir américain. En effet, au-delà de son métissage, il est aussi noir qu'il n'est pas africain-américain. La spécificité d'Obama ne tient donc pas dans le fait qu'il représente un candidat noir mais plutôt qu'il ne soit pas un candidat africain-américain. En regardant Obama, l'Amérique blanche oublie tout du fardeau de la responsabilité que lui fait porter son passé esclavagiste. Au contraire, ce faisant, elle goûte avec délectation à la suave légèreté et à la fierté que confère le rêve américain. Par delà l'admiration béate pour une nation prête à se porter à sa tête un noir, l'enseignement que l'on peut tirer d'un tel événement réside dans le fait que l'Amérique se sente plus proche d'un partenaire aux origines pour certaines lointaines que d'un compatriote au passé marqué par l'abomination raciale.
Dans le même temps et ceci ne constitute aucunement la dernière contradiction inhérente au succès de Barack Obama, ce dernier incarne le rêve américain et l'américain en tant que tel, cet être multi-ethnique que Saint John de Crèvecoeur a défini comme "le nouvel homme". Ce concept ne trouve t-il pas un écho dans la maxime "e pluribus unum", un issu de plusieurs?

Mais comme toutes les nations, l'Amérique est en marche. Néanmoins, il semble que cette dernière évolue à contre-courant d'un monde qui semble préférer adopter les modèles d'un passé conquérant et/ou rassurant. Ainsi, la France tente de mettre en oeuvre la politique libérale anglo-saxonne des années quatre-vingt tandis que la Russie se tourne résolument vers des référents communistes d'avant 1989. L'Amérique, quant à elle, est toujours animée par une logique moderniste: elle se projette dans l'avenir, hautement consciente qu'elle est d'écrire l'Histoire. Elle se délecte de l'émisson de sa propre image réfléchie par le miroir de l'avant-garde. Toutefois, tandis que l'Amérique tente de se persuader de la possible concrétisation de ses propres mythes d'égalité, un événement démographique plus subtil se prépare à déferler sur la démocratie américaine. Selon les projections du Bureau du recensement américain, les minorités américaines deviendront majoritaires vers 2042. Cette donnée annonce t-elle la mort de l'Amérique? La seule garantie, c'est que ce n'est pas là la dernière contradiction américaine car cette nation, plus que n'importe quelle autre au monde, n'en finit plus de mourir pour mieux se redéfinir.

Trendance

vendredi 10 octobre 2008

"Rêverie d'un promeneur citadin" par Trendance

Ce matin, j’ai une plume dans les yeux,
Léger, posé, heureux,
Je nargue la froideur affichée de ce mannequin envieux
Et vogue sur la mélancolie assumée de la lascive banlieue.

Ce matin, j’ai le cœur à la confluence du sourire,
Mon être irradie de bonheur ce qui hier me semblait le pire,
Et pourtant, je rêve de me lover dans le songe duquel plus jamais je ne voudrais sortir.

Trendance

"L'Ere du grand Divorce sociétal" par Trendance

Nous voici au "coeur" d'une crise financière d'un genre nouveau, dans l'oeil d'un cyclone économique dévastateur; et avalés tels quels par la baleine de Collodi, nous nous surprenons à chercher à allumer un feu salvateur... Mais heureusement, c'est coupés du monde que nous est offerte l'opportunité de comprendre que c'est notre égocentrisme et le manque de considération pour autrui qui nous ont conduit tout droit à cet isolement. La phobie, quoiqu'essentiellement irationnelle, peut devenir le point de départ d'une réflexion dont les conclusions s'avèreront cruciales quant aux mesures à prendre.
Il est souvent dit que le plus dur ne consiste pas à devenir champion mais à le demeurer. Confronté à une crise majeure, le capitalisme, frappé du syndrome Achillien, témoigne aujourd'hui de la pertinence de cet adage; beaucoup ont vu dans la Chute du Mur de Berlin de Novembre 1989 la victoire incontestable et alors incontestée d'un capitalisme désormais triomphant. Mais notre système, aveuglé par les phares du cynisme et d'une invulnérabilité faussée, a perdu de vue que déjà un défi de taille se profilait à l'horizon, celui de la transmutation. Sorti du long contexte historique de la Guerre Froide, la superstructure capitaliste a éludé le grand principe darwinien reposant sur la nécessité de s'adapter à un nouvel environnement. Au lieu de profiter de la trêve en investissant dans l'humain les anciennes ressources militaires, le monde occidental de type capitaliste a cru assurer sa propre pérennité en privilégiant la consolidation de sa propre superstructure. L'inertie, ce mythe pourtant éprouvé, a été brandi et tout fut mis en oeuvre pour que le pouvoir demeure entre les mains de ceux qui le gardaient jalousement. La contre-révolution n'avait qu'à bien se tenir...
Et lorsque le changement nous était proposé, le prétexte était tout trouvé: l'Union Européenne se devait de constituer le dernier rempart face aux assauts répétés de l'Amérique, de l'Asie et de l'Afrique. Vagues immigratoires et autres stratégies économiques agressives se devaient d'être contenues à l'heure où la vieille Europe avait besoin d'un influx de jeunes travailleurs et où la libre-concurrence internationale était pronée. Contradiction, quand tu nous tiens!.. L'Euro avait alors pour objectif de nous protéger de tout aléa, d'assurer la stabilité monétaire et financière de notre zone-forteresse. Stabilité, inertie, préservation...
Mais dans le même temps, un autre son de cloches pouvait être perçu: des pays et continents environnants, le son discordant de la globalisation semblait devoir venir altérer nos infrastructures. Ce qui avait été produit ici et consommé là-bas était brutalement produit là-bas et consommé ici. Mais comment lutter contre cette hydre, contre ses dragons venus d'ailleurs? Après moultes réflexions, la superstructure capitaliste n'a eu d'autre choix que de s'allier à cette menace, de l'admettre en son sein, consciente qu'elle était de ne pouvoir la terrasser. Et tous les décideurs politiques et économiques de se bousculer afin de prendre le train en marche, frappés qu'ils étaient par un strabysme déconcertant: l'oeil droit faussement rougi par la désindustrialisation de nos régions et la dépression de nos cols bleus, l'oeil gauche avidement pointé vers les terres lointaines de la délocalisation et de l'externalisation: fuite des capitaux, évasion fiscale, transfert des procédures et des compétences, vente des moyens de productions... Sous prétexte de se renforcer, le capitalisme nous a tous affaiblis. Convaincu de conforter sa primauté, cette superstructure a entamé une procédure de divorce avec ceux mêmes qui forment ses administrés, c'est-à-dire Nous.
C'est ainsi que nous devons faire face à une crise rare: crise de confiance subie par les places boursières du monde entier, crise de méfiance au sein du secteur bancaire mondial. Non, le système capitaliste n'est pas confronté à une récession mais à une véritable crise des valeurs. Car la vigilance et la clairvoyance ne doivent pas faire en sorte que nous nous satisfassions d'un terme qui vise parfois à masquer les responsabilités. Certes cyclique, la crise s'explique et procède de causes définissables. Hormis les explications techniques imputables à un Capitalisme triomphant, il en est une - philosophique - que l'on peut se risquer à évoquer: le Divorce.
Cette crise n'est autre que la résultante d'une tendance sociétale en ce sens qu'elle est décelable à chaque niveau, dans chaque aspect de ce qui fait notre quotidien. L'employeur privilégie la rentabilité au détriment du bien-être de ses employés, l'Etat sacrifie la priorité de service à des fins d'économie, l'(in)satisfaction des désirs prend le pas sur la quête du bonheur, l'égocentrisme est implicitement institutionnalisé aux dépens de la solidarité et le surendettement devient une manne pour les prêteurs faussement généreux. Mais le grand Divorce, monstre protéiforme ne s'arrête pas là: il érige dans son sillage des murs infranchissables: l'élève se détourne de son professeur, l'enfant façonne ses parents en anti-modèles, l'admistrateur fait fi de ses administrés... En d'autres termes, c'est une crise de confiance généralisée qui nous menace dans ce que nous sommes, au plus profond de notre communauté mais aussi de notre être. Car s'il est une chose que le Capitalisme triomphant a perdu de vue, c'est que la qualité d'un contrat ne vaut que par la satisfaction pleine et entière des intérêts des deux parties. La falsification des bilans d'Enron, le scandale des 'subprimes', la spéculation incessante portant sur le prix des ressources pétrolières et alimentaires, les diverses stratégies d'évitement du système bancaire et du monde de l'assurance sont autant d'exemples de violation du contrat sociétal.
Et pourtant, ne nous a t-on pas répété que nous vivons à l'heure du "tout globalisé"? Comment ce système capitaliste qui a cautionné la globalisation à ses propres fins de survie a t-il pu oublier qu'il n'est pas de salut sans altruisme, c'est-à-dire la prise en compte de l'Autre? Est-il possible que l'interdépendance lui ait semblé ne plus constituer un trait fondateur de notre monde? Est-il envisageable que, enfoncé dans une avidité démesurée, le Capitalisme ne se soit pas rendu compte qu'il broyait et digérait ses propres enfants, tel un Saturne croyant ainsi assurer sa propre survie? Ce divorce trouve également un écho dans la rupture écologique qui oppose l'Homme à son environnement. A nouveau, perdre de vue l'interdépendance, la relation à l'Autre, c'est se aborder soi-même, fuir éperdument tout en coupant les ponts d'un retour possible au bien-être. Plus, toujours plus! Plus vite, plus haut, plus fort! C'est la dure loi des records, ces vieux bilans à effacer des tablettes de l'Histoire et de la mémoire collective. C'est ainsi que le sportif déçoit parfois ses plus fervents admirateurs et que le commercial ne fait plus de son client le principal bénéficiaire du service qu'il offre.
Et pourtant, ce sens de l'interdépendance n'est pas du domaine du mythe. Chaque "petit pas pour l'homme (...) est un grand pas pour l'humanité." Comme l'avait affirmé Neil Armstrong, chaque homme recèle d'une parcelle non seulement d'humanité mais également de l'humanité.
Le pire réside peut-être dans le fait que le système en est conscient, voire convaincu car, à l'instar d'une publicité conçue par un opérateur téléphonique, il n'hésite pas à clamer (toujours plus) haut et (toujours plus) fort dans des messages aussi démagogiques que cyniques que "je suis tous les gens que je connais et tous ceux que je ne connais pas encore. Je ne suis rien sans eux et avec eux je peux tout faire". Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le slogan de cette entreprise est "plus loin ensemble", la parfaite illustration d'une surenchère de la performance teintée de démagogie nauséabonde. Comble de l'ironie, bien avant l'ère digitale, les hommes vivaient déjà en réseau, au sein d'un enchevêtrement communautaire et d'un tissu social qui les préservaient du grand Divorce sociétal. Car si pour Sartre, "l'enfer, c'est les autres", nos aïeux avaient bien compris que, quelque part, le salut résidait dans les autres!

Trendance

vendredi 12 septembre 2008

"Points de vue: myopie et voyeurisme ou le déni de soi" par Trendance

Résidant en proche banlieue parisienne, je passe en moyenne dix heures par semaine dans les transports en commun, qu'il s'agisse du métro, du RER ou du bus. Comme bon nombre de personnes, je profite de ces moments pour me retrouver, alors même que je me trouve balloté dans une foule d'inconnus. Lorsque je ne lis pas de romans classiques, il m'arrive de ressentir le besoin de penser. Dans l'environnement froid des non-lieux du transport public, j'aime à structurer mentalement mon existence ou à me projeter dans un avenir dont les fondations sont à ériger. Mais parfois, comme bon nombres de "voyageurs" - peut-on parler de voyage lorsque la contingence et l'errance en sont exclues? - je me laisse aller à observer mes semblables et cette activité en dit long sur l'essence de notre société.
Etat de somnolence motivé par un manque de sommeil, rêverie salvatrice qui vous extirpe temporairement d'un quotidien déshumanisant, écoute d'un appareil MP3 qui vous confère à la fois isolement relatif et sensation d'être chez soi, lecture d'un livre ou d'un journal gratuit, conversation téléphonique dont la vacuité indique que le message est moins important que la nécessité de gaspiller le temps: ce sont là les grandes tendances comportementielles.
Néanmoins, il en est une que je n'ai pas mentionnée et qui pourtant me fascine autant qu'elle se propage dans les espaces publics: la "lecture" des magazines "people".
En ce début du troisième millénaire, notre société se distingue entre autre par la fascination exercée par les célébrités. Emissions télés, sites internet et presse mondaine se spécialisent avec un enthousiasme frénétique pour cette frange "dorée" de la population, au point que ce terme anglais trouve dans la transcription "pipôle" un pendant branché. Mais comment ne pas voir en "people" un des termes les plus ironiques qui soient? En effet, si les objets de ce nouveau culte sont des "people", c'est à dire des "gens", il est légitime de se demander ce que nous, les anonymes, qui composons "la France d'en bas", sommes.
Les choses ont véritablement changé depuis les années quatre-vingt. Après une longue période de doute engendrée par le choc pétrolier de 1973, la neuvième décennie du vingtième siècle s'est lentement imposée comme l'ère de l'individualisme pleinement assumé, voire revendiqué. Les années deux mille ne sont qu'à cet égard le prolongement des années quatre-vingt. Toutefois, une chose a changé: l'insouciance de l'embellie écononomique a laissé la place au marasme de la précarité et de la perte du pouvoir d'achat. Nous sommes donc devenus des consommateurs fantômes, frustrés car bridés par la retenue vitale occasionnée par un porte-feuille "idéal", ou devrais-je dire, un "porte-deuil". Nous sommes prisonniers de nos désirs inassouvis, reclus dans un quotidien que beaucoup ressentent comme sinistre et sans perspective. Mais, des années quatre-vingt, une chose semble perdurer même si elle a muté: cette culture de l'ego. Mais comment faire l'apologie de soi lorsque l'on ne trouve plus de raison d'être fier de ce que l'on est?
Deux solutions s'offrent alors: sombrer dans un culte de la personnalité aussi futile que ridicule ou fuir ce que l'on 'est pour se réfugier dans l'Autre, dans le "people. C'est donc ainsi que dans une société de plus en plus individualiste on ne s'intéresse principalement qu'à l'Autre. En se lovant dans les pages de papier glacé d'une presse agréable mais illusoire, nous, les vraies
personnes, menons une vie fantasmée au cours de laquelle s'entremêlent myopie et voyeurisme. En consultant les média spécialisés, nous nous régalons de biens de consommation et de scènes de vie aménagées, qui n'ont pour seul but d'attiser notre soif d'onirisme et notre tendance à l'onanisme mental. Reportage photo de candidats à l'élection présidentielle entourés de leur famille dans le jardin de leur résidence secondaire, double-page consacrée à des artistes qui, sous prétexte d'une actualité brûlante, se pavanent au lit, affublés d'un plateau petit-déjeuner sur lequel se trouvent des croissants parfaits, une fleur fraîchement coupée et un jus d'orange qui ne sera jamais bu... La famille Ricorée a encore frappé dans l'imaginaire de la presse à scandales. Mais de quels scandales parle t-on? De ces autres photos faussement scandaleuses car arrangées mais présentées comme l'oeuvre outrancière de paparazzi sans vergogne? De ces photos légèrement floutées sur lesquelles apparaissent des stars en bikini supposément parfaites mais dont on ne peut râter la cellulite? Comme le dit le dicton, qui aime bien, châtie bien. On se doit de présenter les people commes des gens normaux qui sont, tantôt élevés au rang de héros de par leur accession au succès, tantôt considérés comme des victimes sacrifiées sur l'autel de la célébrité. En somme, les people se doivent de ne pas nous laisser indifférent: leur réussite nous fascine mais leur cellulite nous rassure. Un bon héros doit posséder un soupçon d'anti-héros car la perfection l'exposerait à l'agacement, voire à la vindicte populaire. Paradoxalement donc, l'ego perdure même si l'on est engagé dans un processsus de déni de soi.
La création de la caste des people, à la manière de la loterie nationale, répond essentiellement à un seul objectif: répondre à la vacuité du quotidien des masses en assurant la promotion d'un ailleurs idéal. Car cette presse a bien compris que, même dénué de tout, l'espoir fait vivre et s'avère ainsi vital, particulièrement lorsque l'on met tout en oeuvre pour s'oublier...

Trendance

jeudi 7 février 2008

"Un poème dédié à Saint Valentin et à Fred" par Trendance

Enfin... l'éclat de ton rire, la splendeur de ton âme...
Et toujours ce mystère insondable fleurtant avec un Absolu obsédant:
La présence glaciale de ton absence diurne!
Mais, chaque soir, tel le vaisseau au long cours
Se repaissant de l'accueil chaleureux du phare familier,
J'exorcise les spectres de la mer tumultueuse du Quotidien
Et envisage déjà les mille plaisirs auxquels, lové au creux de ton Amour,
Bientôt je vais m'abandonner.

Trendance

mardi 22 janvier 2008

"L' Ailleurs, l'utopie réalisée de l' Entre-Deux!" par Trendance

On me demande souvent pourquoi je suis devenu professeur d'anglais car pour bon nombre de personnes "éducation" rime avec "vocation".

La vocation... Oui, cette force mystérieuse a bel et bien joué un rôle dans mon devenir car appel il y eut! Mais longtemps je me suis demandé si j'avais été appelé à devenir l'un de ces hussards de la République ou si je l'avais de façon inconsciente appelé moi-même de MES voeux.

Depuis peu, je détiens la réponse à cette question fondamentale, une réponse qui, à la manière d'une flamme vacillante, illumine les parois ténébreuses et peu fréquentées de mon moi le plus intime.

Pour comprendre mon statut actuel de professeur d'anglais, il faut remonter au tout début des années 80. Mon année de sixième occasionna chez moi un véritable traumatisme. Placé dans un internat très prisé duquel je ne sortais que le week-end, j'avoue avoir oublié la plupart des choses que j'y ai vécues, notamment les cours. L'année suivante, j'intégrai au mois de janvier le collège de quartier et je garde toujours présent à l'esprit ce que j'estime être mon premier cours

d'anglais: une enseignante avenante, une salle de classe chaleureuse et cette langue aux accents étranges qui, dès l'entame du cours, m'enveloppa telle un nuage protecteur. Je devais être au paradis!...

Mon père était exceptionnellement venu me chercher à l'école à l'issue de ce premier jour et tandis que nous nous dirigions vers la maison, il me demande comment cette journée s'était déroulée. Je la lui décrivis puis je lui fis part de mon engouement pour l'anglais. Néanmoins, je lui rapportai la conversation que j'eus avec mon enseignante qui avait désiré s'entretenir avec moi à la fin du cours et qui s'était étonné du fait que je parlais si bien anglais. Mon père nous narrait souvent l'histoire du Cameroun et de la division de son territoire entre la France et l'Angleterre
au terme de la défaite allemande en 1918. Désireux de me rapprocher de ce père distant et sévère, j'invoquai, pour justifier de mes aptitudes, le fait que mon père était originaire de la partie anglosaxonnedu Cameroun. Mon enseignante ne vit que du feu mais mon père ne comprit pas que je voulus lui attribuer ce "talent" et répondit de façon péremptoire: "Ce n'est pas çà; je viens de la partie francophone!" Ce fut là mon premier rendez-vous manqué avec mes origines et avec mon père mais je ne le compris plus tard, suite à la frustration générée par la longue série de mains tendues qui ne furent jamais saisies...

Oui, mes parents ne furent pas des gens faciles: à vivre, à comprendre, à aimer! Au point de comprendre rapidement qu'il me fallait me trouver un refuge, un ailleurs, un entre-deux au sein duquel je pourrais faire naître ce que j'étais appelé à devenir, ou ce que j'appelais à devenir.

Je vivais déjà dans un entre-deux: celui de ces deux parents qui ne me disaient absolument rien d'eux et dont le silence ne faisait qu'accroître mon vide culturel et identitaire. Ni totalement français et encore moins Camerounais, je me suis rapidement tourné vers Stevenson, Verne et autres Dumas. A cet égard, je me rappelle que lorsque nous finissions les courses à l'Intermarché du coin, j'harcelais ma mère pour qu'elle m'achète un livre. La culture étant une des valeurs que mes parents défendaient, ma mère accédait souvent à mes requêtes. Je devins ainsi en quelque sorte boulimique, engloutissant les oeuvres romanesques à une vitesse qui ne semblait pas même générer de plaisir. J'étais devenu un "tiers instruit" résilient.
Dans le même temps, fort de mes nouveaux "amis", je m'intéressai à Bob Marley, m'étant approprié une vieille cassette intitulée "Kaya" que j'écoutais en boucle. C'était aussi l'époque où je montais dans ma chambre en pleurant après avoir vu les corps décharnés d'Africains soufffrant de famine.

Puis vinrent les années d'adolescence, le milieu des années quatre-vingts, cette période de radicalisation où s'opérait un violent bras de fer entre Harlem Désir ("Touche pas à mon pote") et Jean-Marie Le Pen, avec, en prime, une crise économique en toile de fond.
La société n'aime pas le non-alignement. Les expressions "c'est un moindre mal", "avoir le cul entre deux chaises" et le concept de médiocrité dénotent bien la désaffection qui est nourrie vis-à-vis de ce qui n'occupe pas une position franche. Dans l'inconscient collectif, il faut prendre position, choisir son camp. Quelle ironie maintenant que l'on assiste à l'essor de l'Empire du Milieu!

En tout cas, il se posait à moi un problème fondamental: comment pouvais-je, moi, métis, trouver une voie (voix?) dans un contexte radical, c'est-à-dire marqué par la racine?
Je parle d'une époque durant laquelle les Noirs demeuraient tapis dans l'ombre, à l'abri du regard des média et de la société; une invisibilité dont ils étaient à peine conscients en ce sens qu'ils étaient invisibles à tout regard, le leur y compris.
L'arrivée du Hip-hop, phénomène interculturel, avait déjà ébranlé cet état de fait mais le film de Spike Lee, 'Do the Right Thing', déclencha en 1989 un véritable sursaut communautaire, une prise de conscience nourrie d'une fascination sans borne pour la culture africaine américaine.
Plus qu'un référent, cette dernière devint pour la jeunesse noire d'alors un objet d'identification.
NBA, NFL, Mc Do, Hip-Hop, Public Enemy, Malcolm X et le Cosby Show furent autant de révélateurs de fierté et de visibilité. Se nier pour se sentir exister, investir un ailleurs pour exister: voilà une stratégie avec laquelle j'étais familier depuis longtemps. Loin de la théorie manichéenne qui prévalait en France (celle du tout Noir ou du tout Blanc), les Africains Américains se livraient à l'"Eloge de la Créolité" cher à Chamoiseau, Confiant et Bernabé.

Je fus, moi aussi, pris dans ce tourbillon culturel et linguistique, un tourbillon qui venait renforcer mon amour pour l'anglais. Hasard ou coincidence? Illusion du hasard et de la coincidence?
Ni l'un, ni l'autre! Je pense que je me suis réfugié dans l'anglais comme on se love dans un intervalle, un interstice qui est finalement devenu une troisième voie, ma deuxième voix!

Trendance

dimanche 6 janvier 2008

"Quand le capitalisme percute Héraclite ou la crise des certitudes" par Trendance

Après la chute du Mur de Berlin, le capitalisme a vu dans cet événement l'aboutissement favorable d'un bras de fer interminable. Levé le Rideau de Fer, envolées les prétentions d'expansionnisme socialiste: le capitalisme n'avait jamais été aussi triomphant avant 1989!

Mais l'euphorie de la victoire passée, de nouvelles inquiétudes s'ammoncelèrent dans le ciel à peine dégagé de cette fin du vingtième siècle. Parmi elles, l'absence de l'ennemi juré engendra la nécessité de restructurations, un peu comme si la chute du Mur avait déclenché une réaction en chaîne digne de la théorie des dominos d'Eisenhower ou des pires cauchemars nucléaires.

Bien des années plus tard, l(a) (r)évolution fulgurante de l'ordre établi depuis la seconde guerre mondiale a cédé la place à une lente métamorphose du capitalisme. Car au-delà de l'internationalisation contagieuse des valeurs capitalistes s'opèrent des changements microscopiques révélateurs d'un présent constamment en devenir. En effet, à l'heure où l'on devine les premiers soubresauts récessionnels qui commencent à ébranler l'économie américaine - conjectures ô combien à risques dans une société hautement spéculative -, nos sociétés occidentales aussi diverses qu'interdépendantes témoignent de la redéfinition de la chose capitaliste. A mon sens, deux phénomènes traduisent ce glissement à peine perceptible: la chasse au superflu et la crise naissante des intermédiaires.

Engonssées dans la surconsommation, nos sociétés occidentales boulimiques rêvent d'abstinence et d'idéal ascétique. Aussi les surprend-on à vouloir se défaire de toute forme de surabondance: rejet catégorique de la surcharge pondérale, condamnation unanime des diverses formes de pollution, prise de conscience tardive des dangers du surendettement et de la surmédiatisation... Dans ce contexte de schizophrénie, Nous mourons d'être trop! Mais sous l'impulsion des premiers signes de crise économique, cette aspiration à plus de sobriété et de contrôle se commue progressivement en une véritable chasse aux sorcières menée contre le nouvel ennemi public numéro 1: le superflu. Voici une notion dont la portée sémantique semble s'adapter aux nécéssités du moment, tout particulièrement en France! Les partenaires d'alors sont devenus les "sans-papiers" pourchassés sans relâche; les "cols bleus" des Trente Glorieuses viennent grossir les rangs des "sans domicile fixe"... Notre société capitaliste prend soudain la forme d'un formidable champ d'exclusion et de précarité: mal-logés, travailleurs pauvres, allocataires du RMI, détenteurs de la CMU, stagiaires "longue durée", intérimaires, signataires de CDD éternellement renouvelés et bénéficiaires d'associations caritatives et autres clients de magasins hard-discount... Je l'entends ce cortège au pas lourd, victime de notre Realpolitik domestique, envoyé dans le désert de notre mauvaise conscience et de notre oubli à la manière des boucs émissaires bibliques.

Mais ensuite, qui succèdera à ce superflu(x)? Déjà, avec l'accord tacite d'un peuple frappé de phobie et placé dans une logique de survie, le capitalisme libéral est passé à une deuxième phase précédemment mise en oeuvre par la Grande-Bretagne des années quatre-vingt: le désengagement de l'Etat. La logique commerciale dictée par des priorités telles que le retour d'investissement et la rentabilité commence à pervertir des secteurs d'intérêt public déjà sinistrés tels que l'Education et la Santé qui n'ont comme seuls torts d'être aussi prodiques qu'improductifs. Et dans le même temps, il se forme un long cortège d'exonérations fiscales qui débarrassent les nécessiteux de leurs derniers oripeaux pour parer les plus nantis de somptueuses toilettes. Ronald Reagan avait déjà appliqué une formulaire similaire avec les résultats que l'on sait, parmi lesquels un déficit budgétaire record. Ah, darwinisme social quand tu nous tiens! La France, toute auréolée de sa "spécifité culturelle", n'aura pas résisté longtemps aux appels du libéralisme débridé(light). Nietzsche n'a t-il pas déclaré dans "Ainsi parlait Zarathoustra" que "l'Etat, [cette "nouvelle idole"] c'est le plus froid de tous les monstres froids"et qu'il "[l'Etat] a été inventé pour ceux qui sont superflus". On retrouve ici une conception machiavélique du groupe social et du genre humain empreinte d'un cynisme glaçant.

Mais cette menace aux effets aussi tangibles que pervers se trouve contrebalancée par un autre phénomène qui pourrait venir régénérer positivement le capitalisme, à savoir la crise naissante des intermédiaires.

En effet, il s'instaure pour diverses raisons une véritable méfiance à l'égard d'agents de liaison opérant dans les secteurs médiatiques et économiques. Internet en est probablement le meilleur exemple en ce sens qu'il tend à établir un lien direct entre producteurs et consommateurs.

Si l'émergence des supermarchés et autres hypermarchés survenue en France à la fin des années cinquante a réduit le nombre de petits commerces, l'essor d'internet risque de condamner toute autre forme de médiation économique. A terme, internet, cet outil qui redonne à la liberté ses lettres de noblesse, se transformera en entité à tendance monopolistique. Pour l'heure, certains maraîchers ont choisi de proposer leurs produits en ligne pour mieux contrecarrer la politique hégémonique des grandes surfaces dont les marges outrancières nuisent aux producteurs comme aux consommateurs. Sans maison de disques depuis plus de deux ans, le groupe anglais Radiohead a mis en ligne son septième album en Octobre dernier. "In Rainbows" a ainsi remporté un succès financier inattendu, malgré le fait que les internautes étaient libres de fixer le montant nécessaire à son acquisition. A la même époque, une information circulait selon laquelle Madonna allait se séparer de sa maison de disques -Waner - pour signer avec Live Nation, un grand organisateur de concerts. Même si la voie empruntée par Madonna ne l'a pas été selon les mêmes modalités que Radiohead - qui a choisi d'entrer en relation directe avec son public -, les grands intermédiaires de l'industrie du disque sont les grands perdants de ces deux opérations. La démocratisation d'internet affecte aussi des secteurs aussi variés que le voyage ou le bricolage. Par exemple, les forums de voyageurs éclipsent le rôle de conseil dont les agences de voyage ont longtemps été les seules dépositaires. En ce qui concerne le bricolage, la multiplication des fiches conseils et autres vidéos de démonstration viennent elles aussi empiéter sur les prérogatives des magasins d'outillage. En tant que médium "libre" et indépendant, internet brise bien souvent le silence instauré par les autres média ou par le pouvoir en place. Là encore, l'individu a la capacité de reprendre l'initiative même si celle-ci fait parfois l'objet de censure et de répression, comme en Chine ou l'on parle désormais de "cyber-dissidents". Avec internet, il se joue là une révolution populaire comparable à celle instaurée par Gutenberg dans le domaine de l'imprimerie.

Une chose est sûre: tous ces exemples dénotent à la fois l'échec d'un pouvoir démagogique enfermé dans une logique visant à assurer sa propre pérennité et la propagation d'un sursaut citoyen posé comme acte de résistance. Qu'il s'agisse de la vogue de la microfinance, du concept de commerce équitable ou de la réalisation de l'imminence de la problématique écologique, il s'opère un décentrement dont les maîtres mots sont indépendance et humanisation.

Qu'il s'agisse du rejet du superflu ou de la mise à distance des intermédiaires, le capitalisme est en pleine mutation. Mais quelle sera la portée de ce changement? Assiste t-on seulement à la lente décadence de ce système ou à sa régénérescence? Voilà l'enjeu!

Time will Tell!..

Trendance


vendredi 4 janvier 2008

"Boulet"?, vous avez dit "boulet"? (message répondant au principe de précaution)" par Trendance

Ah, qu'en est-il de la liberté si chère à Eluard, Hugo et Zola?...

Je suis bien souvent confronté à des problèmes de mémoire mais je me souviens avec précision de mon année de terminale et, en particulier, de ce cours de philosophie consacré à la liberté. Après avoir "su(i)bi" un cours unilatéral d'expression théorique, je me suis dit, qu'au delà de la contradiction patente qui consiste à traiter d'un tel sujet dans un lieu de coercition tel que l'école, il me fallait absolument dresser la liste des agents et des adversaires de la liberté afin d'approprier l'essence de cette dernère. A la fin de cet exercice opéré pendant le cours de mathématiques, je ne fus pas peu fier du résultat. L'adolescent que j'étais, illuminé par l'étude du Siècle des Lumières et affecté par l'analyse historico-politique du vingtième siècle, avait compilé des termes aussi abstraits qu'abscons finissant en -isme et en -ion. Ce résultat ressemblait plutôt à une liste de courses qui compile des passages obligés dénués de liens.

Avec le recul, elle reflétait principalement deux choses souvent intimement liées: mon idéalisme et mon inexpérience. Car si je devais aujourd'hui définir l'obstacle principal à toute forme de liberté, je ne parlerais plus de "barbarisme" ou de "discrimination" mais de "boulet".

Oui, vous avez bien lu, "boulet"! Quand je parle de "boulet", je demeure, comme à mon habitude, dans l'abstraction: je ne réfère pas à l'inséparable compagnon du canonnier ou du bagnard mais au concept de Boulet, cet "ami" qui n'est votre ami que parce qu'il met tout en oeuvre pour que vous n'oubliez pas de le considérer comme tel!

Pour moi, c'est ce Boulet qui est numéro 1, qui trône en tête de tout classement, qui surclasse de loin toute forme d'opposition à la liberté. Oui, je l'avoue, je suis "bouletophile": je souffre d'être un aimant à boulets. Le terme d' "aimant" est d'ailleurs lui aussi très intéressant. Peut-être ne voyez-vous pas du tout de quoi je parle. Eh bien, pour ces 'happy few', je me propose de fournir ici les traits essentiels du boulet après en avoir esquissé une définition sommaire.

Le Boulet - notez la majuscule que nous expliciterons plus tard - est cet être bien réel comparable au cours de philosophie dont je viens de parler: une intervention unilatérale revêtant un caractère contraignant. C'est plus clair maintenant? Je devine votre émotion décelable à ce tressautement de cil ou à cette soudaine déglutition. Vous aussi faites partie des innombrables victimes du Boulet, le pourfendeur de toute forme de liberté individuelle, l'avatar même de l'égoïsme, un trou noir monstrueux dont l'appétit sidéral et sidérant se propose d'engloutir l'Autre.

Oui, à l'heure où notre société voit se concrétiser les pires hantises d'Orwell, Huxley et Philip K. Dick réunis, le Boulet s'impose à lui seul comme la menace ultime qui, aussi sournoise qu'inéluctable, plane au-dessus de nos têtes.

Voilà donc pourquoi la majuscule! Car le premier enseignement à tirer consiste à ne surtout pas sous-estimer le Boulet. Un enseignement duquel découle implicitement le second trait du Boulet: sa grande capacité à se camoufler dans l'attente de sa proie.

Sous ses apparences avenantes, sous cet air de ne pas y toucher, le Boulet met en oeuvre un large éventail de faux-semblants tout en vous attendant, tapi dans une banale normalité. Mais voici se profiler le troisième trait du Boulet: ce faisant, il échafaude et poursuit un formidable plan d'attaque, une stratégie infaillible qui fait la force de tout prédateur.
Cette stratégie se résume comme suit: utiliser la faiblesse de l'adversaire pour accroître sa propre force. Son approche est bien souvent soudaine et de là, tout est bon pour annihiler toute forme de résistance: on joue la carte de l'amitié sans borne, on flatte l'orgueil, on suscite la pitié, on recourt à la culpabilisation voire le chantage pour mieux envahir l'espace vital de la proie et se repaître des attributs tant convoités. Aussi le Boulet est-il un anthropophage symbolique, une mante religieuse aux traits humains convoitant le capital vital d'un être exogène.
Pour atteindre ce but - celui de devenir vous à tout prix - il affiche progressivement des prétensions d'exclusivité qu'il masque parfois maladroitement lorqu'il va être confondu. Au fond, il rêve d'être votre meilleur ami mais se fait l'ami que vous aimez détester ou du moins, celui que vous préféreriez garder à distance. Ne désirant pas être perçu comme un agent d'harcèlement, il se fait l'instigateur du célèbre jeu "je t'ai(me), moi non plus", alternant comme mode realtionnel le chaud et le froid, comme pour garder une mise à distance illusoire.
C'est précisément en cela que le Boulet est dangereux, toxique. Il a la capacité d'altérer l'Autre. Pour ce faire, il déclenche chez lui ce qu'il ya de mieux (au début) pour mieux révéler ce qu'il y a de pire en vous. C'est l'effet papillon dont le battement déclenche un cyclone dont vous devenez le cyclope. Mon oeil? Eh bien, qu'est-ce qui fait le danger du Boulet: son chaos déterministe (rien n'est dû au hasard, et ce, magré les apparences) et sa capacité à vous aveugler, vous séduire, vous détruire.
Parfois, lors d'une crise finale, pris dans son enfermement schizophrénique, il manifestera sa supériorité, son aspiration à l'émancipation tout en vous reprochant d'être vous, clamant ainsi la légitimité qu'il a de vouloir vous déposséder de votre identité! Le Boulet devient alors un artificier dont le cadeau démesuré, transmis avec émotion, vous explose au visage. Il se fait ouvertement le terroriste kamikaze, le guerillero à pas feutrés qui foule aux pieds le principe essentiel au coeur des relations humaines: la réciprocité.

Un jour, dans un avenir peut-être proche, anthropologues, sociologues et autres philosophes s'accorderont-ils pour dire que "L'enfer c'est le Boulet!" ou que "Tout Boulet est fasciste car il force à dire comme à faire". Il me semble déjà déceler dans cette boule d'égoïsme et d'orgueil désespéré l'archétype de l'homme postmoderne, tiraillé entre son incapacité viscérale à s'aimer et son aspiration à être (l')autre.

Trendance

mercredi 2 janvier 2008

"Du danger de la Crispation" par Trendance

Dans le lexique français, un de mes mots préférés est "crispation", tant pour ses sonorités que pour ce qu'il implique.

Ce mot m'est revenu avec plaisir et violence quelques jours après Noël alors que je me délectais à ne rien faire.

Samedi dernier, je me suis retrouvé devant l'émission "Reportages" de TF1. Il s'agissait d'une énième rediffusion traitant cette fois-ci de rencontres fortuites dans les transports en commun. Ces belles histoires avortées dans l'oeuf par manque de courage ou d'à propos.
Cette conclusion s'imposa rapidement: le romantisme n'est que rarement de mise non pas par manque d'affinités mais en raison d'une timidité paralysante. Le plus souvent, la crispation l'emporte sur le désir.
Mais le grand enseignement de ce programme réside dans le fait que de cette crispation naît le fantasme. La passivité rend possible la frustration qui engendre elle-même le fantasme. Ceci serait relativement séduisant si ces personnes tiraillées entre le souvenir ému d'un regard ou d'une silhouette et la prise de conscience de son manque d'initiative ne se retrouvaient pas dans un enfermement au sein duquel se mêlent regrets et remords. Il faut être fort pour se confronter à l'Autre, même ou surtout dans une entreprise de séduction. Mais c'est précisément à cette condition que l'on se fortifie soi-même.

La Chine, si conquérante de nos jours, puise en partie sa motivation dans l'occasion râtée qu'ont représenté les sept expéditions de Zheng He sous la dynastie Ming. En effet, cet explorateur chinois du 15ème siècle, parvenu jusqu'en Afrique, voire en Amérique, n'a jamais été mû par des visées expansionnistes et bellicistes. L'échange culturel et commercial suffit à étancher la soif de prestige de l'Empire du Milieu. De par son mode d'interaction superficiel car à court terme, Zheng He a donc laissé la place aux Christophe Colomb, Cortes, Magellan, Cartier, Bougainville, Cook et autres Livingstone dans le grand livre de l'exploration mondiale. C'est cette occasion ratée, cette crispation favorable au repli sur soi et à l'enfermement que les Chinois combattent aujourd'hui: les Jeux de Pékin 2008, leur diaspora, leur dynamisme commercial.

Hier soir, le journal de 20 heures de France 2 mettait en avant la bombe à retardement que représentait le poids croissant des retraites. Les quinquagénaires sont, avec les jeunes, les grands exclus du marché du travail, au moment même où le concept même de vieillesse doit être repensé: les retraités deviennent une cible marketing de la société de consommation et de loisirs tant leur bonne santé et leur dynamisme sont tangibles. Le reportage rapellait que les préretraités sont un luxe aberrant que l'on ne pourra plus s'offrir sous peu. Malgré tout, notre société vieillissante cultive à la fois le jeunisme et la peur de l'Autre générant des "sans-papiers", ces forces-vives dont on ne pourra bientôt plus faire l'économie. Car l'un des enjeux de la concurence qui nous oppose aux pays émergents portera très bientôt sur le capital humain et sur la capacité à mobiliser la plus large population active possible à des fins de production de ressources.

A la manière des amoureux des transports publics ou de la Chine moderne, la France se trouvera dans l'obligation de produire des efforts surhumains afin de se départir de cette crispation qui prend parfois la forme d'une xénophobie, d'une peur de l'Autre: la peur des jeunes, la peur des vieux, la peur des banlieues, la peur du surendettement, la peur de l'expulsion, la peur de la stigmatisation, la peur de la peur...

Cette phobie, je l'ai vécue avec violence aux Etats-Unis lors de mes voyages dans les années quatre-ving dix. Au-delà des clichés qui gravitent autour de ce pays (les gratte-ciels, les fast-food bon marché, les Noirs aussi branchés que solidaires, les limousines...), ce fut peut-être le trait le plus marquant. J'y ai vu des systèmes d'alarme perfectionnés dans les maisons privatives, des casques portés par des cyclistes, des agents de sécurité employés sur les campus, des avertisseurs sonores qui retentissent lorque l'on ne boucle pas sa ceinture de sécurité: ces signes banals de la peur quotidienne de l'Autre! L'Amérique est encore à l'avant-garde et demeure ce miroir dans lequel on devine ce que la France sera dans quelque temps.

D'où ma résolution d'écrire ce blog, de prendre la parole par le clavier, de m'affranchir d'un état de crispation. On parle souvent du devoir de mémoire, du principe de précaution; je veux ici invoquer l'impératif de pensée. Ce blog est pour moi un acte militant, un acte d'échange contre l'enfermement et pour la Créolité chère à Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant.

Dans mon esprit, la crispation est plus qu'un état de tension, de contraction puisque "Crisp", c'est aussi en anglais, l'onomatopée d'un craquement, d'une brisure. Et si ce "crisp" que j'ai décelé chez ces jeunes voyageurs épris de rencontres et d'amour sur TF1 n'était que l'écho de celui d'une société menacée par l'inertie et la peur?
Mais n'est-il pas convenu de dire qu'à tout problème correspond sa solution?
Cette (ré)solution participe de l'évidence même: le plan de lutte contre la crispation est intimement lié à la respiration car point de décontraction sans inhalation. Toutefois, à l'horizon de cette décrispation pointe un nouvel obstacle: et si respirer ne se résumait finalement qu' à faire sien l'Autre, cet Extérieur menaçant, qui à l'image de la fumée de cigarette, cristallise les peurs et renforce le désir d'isolement! Aux victimes du fléau de la crispation je veux donc "prescrire" cette phrase que tout général romain triomphant s'entendait dire par un esclave: "memento mori", i. e., "souviens-toi que tu vas mourir!"

Trendance